Le saint Roch de Magny en Vexin dans la sacristie
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A gauche des clés de saint Pierre sur le chapeau du saint, le voile de sainte Véronique.
Les mystères de saint Roch.
(In l’Echo des Vallées n°122, Groupement paroissial de Magny en Vexin, juillet aout septembre 2018)
Maria Poumier. Nous avons de superbes représentations de saint Roch dans le Vexin, dans les églises de Magny, Omerville, St-Clair sur Epte, La-Roche-Guyon, outre de nombreuses églises St Roch dans toute la France, d’Amiens à Toulouse ; il est fêté le 16 août. A Paris, la dévotion à saint Roch lui a valu la consécration d’une église-musée très importante. C’est en tant que Bretonne que vous voulez le faire revivre, pourquoi ? Annick Labbé. En Bretagne - mais aussi dans la Normandie proche - saint Roch est très présent. Dans de nombreux oratoires, chapelles, églises, ses représentations m’ont semblé originales, j’ai donc trouvé intéressant d’en rechercher les images mais aussi les histoires et j’ai découvert un passé …encore présent… les processions par exemple - appelées pèlerinage en Ille et Vilaine, pardon dans le Calvados - qui se tiennent généralement le dimanche suivant le 16 août, jour de sa fête. MP. Mais saint Roch était de Montpellier, et il a laissé une forte empreinte aussi à Rome, dans toute l’Italie, et dans le monde hispanique… AL. Oui, et aussi en Belgique. Il était né au milieu du XIVème siècle à Montpellier - déjà capitale universitaire et médicale - fils unique d’une famille particulièrement riche et cultivée. Parti en pèlerinage à Rome, il soigna sur son chemin nombre de pestiférés mais fut lui-même atteint par la peste à son retour. En fait son culte est souvent associé aux dangers sanitaires du pèlerinage, vers Saint Jacques de Compostelle, mais aussi vers le Mont Saint Michel, Chartres et d’autres. MP. Effectivement, il porte souvent un chapeau de jacquet, une besace, une coquille saint-jacques. Y a-t-il des familles de saints qui se ressemblent ? AL. Jacques et Roch tous les deux sont de grands voyageurs, et qui accompagnent les marcheurs, oui. Mais il apparait aussi associé à saint Sébastien, le plus ancien parmi les saints reconnaissables à leurs plaies, invoqués pour implorer des guérisons. On raconte aussi que saint Sébastien (ancien militaire) arrêtait la peste avant qu’elle n’envahisse le village et que saint Roch intervenait si elle était déjà entrée… MP. Et le chien représenté avec tant de vivacité à ses côtés, d’où sort-il ? AL. La dévotion populaire associait des animaux à nombre de saints : saint Gilles et la biche, St Antoine et le goret, saint Roch et le chien qui tient dans la gueule un petit pain (dérobé, chaque jour, à la table de son maitre) ce qui lui permit de se nourrir car, pestiféré, il devait vivre à l’écart, en quarantaine. MP. On a souvent le chien d’un côté et un petit ange de l’autre. AL. Si c’est le chien qui l’a nourri, c’est l’ange qui l’a guéri… Il est important malgré tout de reconnaître tout ce que nous devons aux animaux. C’est St François d’Assise, dont on disait qu’il parlait le langage des animaux, qui l’a fait reconnaître au niveau de la théologie savante. Notre époque, qui maltraite tellement les bêtes, dans les abattoirs par exemple, a besoin aussi de l’assistance des bêtes. MP. Vous êtes une intellectuelle, très scrupuleuse en matière d’exactitude historique. Et en même temps, vous vous identifiez sans réserve à tout le folklore chrétien, débordant de fantastique. Ce n’est pas contradictoire ? AL. Saint Roch a été pour moi le vecteur d’un Signe. A partir du moment où on a l’expérience d’une Attention particulière du Ciel, on éprouve une dette de reconnaissance qui vous oblige à en témoigner. Je souris en vous le disant mais la cérébrale que je suis y croit, j’ai la « foi du charbonnier » (mon frère), comme on dit. MP. Vous ne vous séparez jamais de votre chien, d’ailleurs… AL. En effet, un jour, j’étais dans une église et en colère. Je savais que s’y trouvait une statue de Saint Roch. J’ai allumé une bougie de neuvaine "Bon Saint Roch, priez pour moi et écoutez ma prière… Aidez-moi à trouver un chien que j’aide et qui m’aide". Six jours plus tard, sur le parvis d’une autre église, j’ai rencontré un clochard qui voulait se débarrasser de son chien, trop agressif envers les autres chiens. Je l’ai adopté. MP. C’est un petit miracle, d’accord, mais… AL. En vous parlant de dette de reconnaissance tout à l’heure, je ne pensais pas tant à ce moment-là qu’à un autre, nocturne celui-là : au fond de la détresse où m’avait plongée une vie niant Dieu, cédant au libertinage et à la débauche, je me disais : "C’est celle-là que je suis devenue ? Mais qui peut encore m’aimer ?" Alors j’ai entendu la voix de Jésus "Moi, Je t’aime et Je t’aimerai toujours". Le lendemain, j’étais dans une église, je me confessais… MP. Et Saint Roch dans tout ça ? Les confréries de Saint Roch qui s’occupaient des malades ont disparu en 1905, presque partout. Qu’est-ce qui vous fait penser que saint Roch peut revivre dans notre époque qui considère les rites paysans comme des superstitions dépassées, voire dangereuses ? AL. Le culte à saint Roch renaît à chaque grande épidémie ; on le constate avec les ex-voto qui sont datés ; 1830 : le choléra sévit ; 1920, c’est la grippe espagnole qui a décimé la population française. Malheureusement, nous avons, nous, gens du XXIème siècle, notre nouvelle maladie contagieuse : l’apostasie, le reniement du Christ. Et le vide que nous créons, en reniant notre baptême, se voit comblé par l’adoration de faux dieux. Notre époque voit renaître une grande faim spirituelle, et l’homme a toujours besoin d’adorer. Que saint Roch nous guide pour retrouver la véritable nourriture dont nous avons besoin ! L’invoquer, ce n’est pas irrationnel, au contraire, c’est retrouver le chemin de l’humilité et de la gratitude, prélude à la rencontre avec le Christ, qui est, comme dit saint Paul, le logos, la raison même. |