Le triptyque de saint Roch
Les deux panneaux latéraux représentent respectivement Saint Éloi (patron non seulement des orfèvres, mais aussi des forgerons, ce qui indique qu’il y avait une forge dans le village) et Saint Hubert, patron des chasseurs (il y a toujours des chasseurs à Courbouzon …).
Le panneau central, surmonté symboliquement d’un triangle pour représenter la Sainte Trinité et placer la scène sous le regard de Dieu, met en scène l’épisode le plus célèbre de la vie de Saint Roch. Il se lit, selon le sens de lecture habituel et comme l’indique la direction indiquée par l’ange qui surmonte le personnage au centre du tableau, de gauche à droite.
La partie gauche du tableau montre l’expulsion de Saint Roch, à la fin du printemps 1373, de la ville italienne de Plaisance où il avait, lors de son retour du pèlerinage de Rome vers Montpellier, soigné des malades atteints de la peste qu’il contracta à son tour à leur contact. Un groupe de personnages à la sortie d’une ville importante, comme l’indiquent ses bâtiments et monuments imposants, font face au futur saint. Si ceux qui sont le plus à gauche semblent discuter, celui qui est à leur tête, sans doute un représentant des forces de police comme le montrent la cuirasse qu’il porte (reconnaissable à sa couleur marron et à son absence de plis) et l’espèce de lance courte ou de bâton effilé pourvu d’un renflement servant de poignée qu’il tient de sa main droite, fait signe d’un geste de sa main gauche et avec un regard peu amical à Saint Roch de s’en aller. Roch les regarde en soulevant un pan de sa tunique pour montrer la lésion pesteuse qui est apparue sur sa cuisse droite (les artistes, par pudeur, avaient pris l’habitude de faire apparaître le bubon pesteux sur sa cuisse, alors que médicalement les bubons pesteux correspondent aux ganglions de l’aine). Le jeune homme (il avait environ 25 ans) est représenté de façon traditionnelle : portant cheveux longs, barbe et moustache, il est habillé de bas-de-chausses rose d’une chemise marron à bord et col blancs, d’une tunique verte, d’un surtout rouge surmonté d’une cape d’épaule noire arborant à droite une coquille Saint-Jacques (symbole à l’origine des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle puis de tous les pèlerins) et sur le devant, de façon bien visible à droite et un peu effacée à gauche, les clés de Saint Pierre (indiquant symboliquement qu’il avait fait plus précisément le pèlerinage de Rome). Sur le côté gauche du personnage pend une besace noire tandis que son bras enserre un bourdon, long bâton caractéristique des pèlerins, et que l’arrondi d’un large chapeau pendant sur le haut du dos se laisse deviner à droite de sa nuque.
La partie droite du tableau est consacrée aux événements qui suivent immédiatement : la guérison de Roch dans la forêt de Sarmato par une source miraculeuse et son ravitaillement par l’un des chiens d’un aristocrate de Plaisance, Gottardo Pallestrelli (ou Colombo selon d’autres sources) qui s’était réfugié dans son château de campagne pour éviter de contracter la peste qui sévissait en ville. Elle montre une deuxième fois Saint Roch, reconnaissable à son visage et à son port de tête identiques, à ses mêmes habits (si ce n’est que son surtout rouge semble un peu plus long) et au bubon pesteux affectant sa cuisse droite. Il est mis en scène dans une forêt, où, après son expulsion de la ville, il s’est réfugié sous la conduite de l’ange représenté en haut au centre du tableau. Bourdon à terre, il se tient assis au bord de la source miraculeuse (représentée en bleu) qui va le guérir de la peste, tandis qu’un chien lui apporte dans sa gueule un morceau de pain qu’il a dérobé un peu plus tôt à la table de son maître. Le même chien, reconnaissable à son pelage roux et blanc, est saisi à droite sur le fait en train de chaparder le pain devant son maître attablé tout occupé à regarder l’ange. Un autre chien de Gottardo est représenté assis dans l’angle inférieur droit.
Les historiens modernes ne savent pas si Saint Roch est parti de son plein gré de Plaisance ou s’il a été expulsé. Mais la thèse de l’expulsion est celle qui a été popularisée en France jusqu’au milieu du XXe siècle par un ouvrage du chanoine Jehan Phelipot paru en 1494 et réédité en 1917 par Maurice Luthard La vie, légende et miracles de Mgr Saint Roch : « Et finalement [Saint Roch] fut déchassé [= chassé] hors de la cité par les habitans et citoyens, afin que, à l’occasion de lui, infection plus grande ne fut causée en ladicte ville de Plaisance » (page 22 de l’édition de 1494). En outre la présence sur le tableau d’un deuxième chien correspond également à ce qu’a écrit Jehan Phelipot : « Cestuy Godard [= ce Gottardo], comme il appartient à noble homme de usage, avait, pour son déduit et soulas [= son agrément et son délassement], plusieurs chiens » (page 23). (In fiche signalétique du triptyque)
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