Jusqu’à la Révolution française (1789) quatre vingt dix pour cent des européens sont des ruraux et neuf de ces ruraux sur dix vivent du travail de la terre et de l’élevage. Et cela de la Suède à l’Espagne, de l’’Islande à la Pologne. En 1509 on ne dit pas l’Europe, mais, la Chrétienté.
Ces chrétiens vivent en paroisse, aux alentours d’un bâtiment appelé « église » qui est surmonté par un clocher. A Champagnac, en 2009, comme en 1509 vous entendez sonner l’appel de l’Angélus à 7 h du matin, à midi, à 7 h du soir : 3 coups, un silence, 3 coups, un silence, 3 coups, un silence… Cette prière (qui est un condensé du Culte Catholique) précédait le travail du matin, le repas de midi, l’arrêt du travail le soir.
La cloche annonçait aussi la messe du dimanche, le « glas » de la mort et l’enterrement d’un paroissien, et, « grande volée » là joie de Noël, de Pâques et la fête du saint patron de la paroisse. Hélas, aussi, le « tocsin » annonçant un incendie ou l’arrivée des pillards.
En 1509, dans toutes les campagnes, l’église est souvent le seul bâtiment construit « en dur ». On y met donc réserve de semences et grains, et, après la messe, on y discute des travaux d’entretien de la paroisse, on y organise des marchés, et les bals ! A ceux que cela surprend, je rappelle que dans la Rome antique des premiers empereurs chrétiens, le mot « Basilica » désigne les grandes halles couvertes pour les marchés aux légumes et aux poissons, que l’on a utilisées pour les premières messes publiques, tout comme Jean Paul II a dit la messe au « Parc des princes » à Paris.
Mais en 1509, il n’y a plus de bals, car 50 ans avant il y avait eu « batoste » et mort d’homme ! Mais en plus, à Champagnac, l’église a été fortifiée ! Pourquoi ? Au grand moyen âge de Richard cœur de lion et Saint Louis, l’église est un refuge sacré, et, le plus féroce guerrier était épouvanté à l’idée d’être chassé de la communauté chrétienne s’il allait s’emparer d’un criminel réfugié dans l’église.
Mais au 14ème siècle tout change. Tout d’abord un refroidissement climatique, précédé par de nombreux étés et automnes très humides qui ne permettent pas au seigle de sécher correctement, et nous savons depuis le drame.de Pont Saint Esprit, en 1953, que le seigle qui fermente produit un hallucinogène désastreux et douloureux « le mal des Ardents ». Sur ces campagnes qui subissent les premières disettes arrive « la peste noire » qui de 1348 à 1349 tue le 1/3 des paroisses. Et, en moyenne elle revient tous les 30 ans. Enfin, les guerres : « cent ans » en France, les « deux Roses » en Angleterre.
Entre deux campagnes (qui coûtent cher au Trésor royal) les rois licencient leur armée. Alors les « soudards » se regroupent sous le nom de « routiers » et vont piller l’Auvergne au nom du roi d’Angleterre et le Bordelais au nom du Roi de France. Comme « trébuchets » et « canons » se transportent difficilement même en plat pays, une église et un village fortifiés en montagne peuvent résister. En plaine, les survivants des pillages rejoignent les « routiers ».
Où est le refuge, où sont les autorités ? Le Roi de France est fou !! Il y a deux et même trois papes à l’époque de Jeanne d’Arc (1430).
Le premier clocher de Champagnac, comme celui d’Agnat ou de Laval servait à l’angélus, il a été surélevé pour servir aussi de tour de guet. Et à 10 mètres au sud de l’église on voit encore le reste des fortifications.
Maintenant entrez dans cette église « romane » construite par les moines de la Chaise Dieu et constamment remaniée pour répondre aux besoins des paroissiens ; Vous entrez par l’ouest, le chœur, ou se dit la messe est à l’est pour que les paroissiens prient en regardant vers Jérusalem.
Mais vous avez vu que la façade est en granit austère, que le portail est lourd et solide. Et juste derrière, on voit, taillées dans la pierre les encoches qui permettent d’y glisser le madrier qui permet au portail de résister aux coups de bélier.
A l’intérieur, de chaque côté de la nef centrale, des chapelles avec des autels, car, avant Vatican II, chaque prêtre devait dire sa messe individuellement. Lors des guerres dites « de religion » le féroce « capitaine Merle » a pillé de Clermont à la Chaise Dieu et, au nom du calvinisme, détruisait toutes les statues et églises dont il s’emparait. A Champagnac on reste catholiques et on y met donc des statues. Dans l’église romaine les fidèles prient les saints de défendre leurs causes auprès de Dieu. Tout d’abord, la Vierge Marie, « mère de Dieu et des hommes » (évangile des noces de Cana, Jean chapitre II versets 1 à 12). Ensuite les saints que l’on prie lors d’une angoisse où d’une calamité qui ont touchées le pays. Le saint patron de la paroisse. Il y a aussi les reliques (évangile de Luc versets 43 à 48). Tout d’abord le « patron » de la paroisse Saint Pierre, une statue le représentant en pape, un vitrail le montrant avec les clefs de l’Eglise et du paradis, et surtout, dans la vitrine de la lere chapelle sud, un coq pour rappeler à tous que St Pierre a renié le Christ avant de devenir Martyr et Saint. A coté du chœur dans la chapelle nord, la Piéta, statue de la Vierge recevant le corps de Jésus sur ses genoux. En ces temps de troubles et de disette les enfants sont faibles et victimes d’épidémies : croup (diphtérie), fièvres pourpres (rougeole et scarlatine), suettes, variole… Aux mères qui étouffent de chagrin,
l’église propose d’adresser leurs plaintes et leurs prières à celle qui peut le mieux les comprendre.
Dans la première chapelle sud, une statue de Saint Roch, un pèlerin qui allait de Rome à Saint Jacques de Compostelle et qui a eu « la peste ». Tous l’ont abandonné sauf un chien qui allait voler la nourriture pour lui jusqu’à sa guérison. La plaie sur la cuisse est une allusion au bubon de la peste à l’aine. « St Roch priez Dieu de nous épargner la peste et la mort dans la solitude ».
Or en 1629, la peste traverse le massif central, tue 10 000 habitants au Puy en Velay, et arrive à « La Brousse » une paroisse à une heure de marche de Champagnac. Il n’y aura aucun survivant !
A coté de St Roch, une statue de sainte Véronique. Un évangile apocryphe raconte qu’une femme a eu pitié du Christ montant au calvaire et a ôté son voile pour essuyer son visage. Geste choquant, car jusqu’à la seconde guerre mondiale, seules les prostituées se montraient en public la tête nue (en cheveux). Le clergé, malgré sa misogynie (ce sont des hommes !) rappelle aux fidèles que seules les femmes, qu’ils méprisent, ont accompagné la Vierge et le Christ au calvaire.
Enfin Saint Joseph, une statue du 18eme et un vitrail du 20eme. Quand je n’étais qu’un jeune c… je ricanais devant ce culte qui insistait sur la chasteté de Joseph. Ce n’est que devenu vieux… que j’ai compris : l’église catholique a gardé le sacrement de la confession ! Et le prêtre n’a pas le droit de dénoncer un crime (quelque soit son horreur) qui lui a été avoué en confession. Les curés avaient connaissance de viols d’enfants, et pour lutter ont développé le culte d’un homme qui a aimé et protégé un enfant qui n’était pas le sien.
A coté du vitrail, vous avez, un autel avec une jolie statue du 18eme de la Vierge et l’enfant : l’enfant Jésus est sur le bras gauche de sa mère, et dans une position acrobatique pour pouvoir bénir les fidèles de sa main droite. Il aurait été si simple de le mettre sur le bras droit de la Vierge ! Mais une jeune mère a besoin d’une main agile, à la cuisine, à table, avec les autres enfants… et ne porte l’enfant à droite que si elle est gauchère ! la main du Diable encore maintenant pour beaucoup de personnes.
Enfin, enfin, la plaque des morts de la première guerre mondiale. Je vous demande de compter le nombre de noms : trente deux garçons de 18 à 30 ans pour un village qui, à l’époque avait 1200 habitants.
(In fiche à disposition dans l’église)
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