Venise

Les pigeons ont quitté la place San Marco et les touristes sont intrigués voire déçus lorsqu’ils qu’ils déambulent sur les pavages de marbre, à l’ombre du célèbre campanile et sous les élégantes arcades. La ville a chassé les grainetiers hors de la ville, qui avaient transformés la place Saint-Marc, en un véritable souk. Aujourd’hui San Marco, est redevenue le salon le plus élégant du monde et Cocteau ne pourrait plus dire qu’il connaît un pays ensorcelant où « les pigeons marchent et les lions volent ».

Venise
Venetiae ; Cité des Doges ;
Sérénissime ; Reine de l’Adriatique ;
Cité des Eaux ; Cité des Masques ;
Cité des Ponts ; Cité flottante.


Venise : incontournables et trésors méconnus
Venise est célébrissime pour ses images de carte postale et ses monuments trop photographiés, mais aussi méconnue et surprenante quand on décide de s’écarter des axes les plus empruntés pour partir à la découverte de son visage caché, qui est aussi le plus séduisant, et des innombrables trésors artistiques qu’elle peut encore nous dévoiler. Venez revivre la riche histoire de la Sérénissime au cours d’une promenade enchantée dans son labyrinthe de canaux et de ruelles. Carpaccio, Bellini, le Titien, le Tintoret, Véronèse et Tiepolo vous accompagnent à la découverte des sestieri les plus authentiques de la ville : des synagogues du Ghetto aux chantiers de construction des gondoles, de l’île des morts San Michele à la richissime collection de l’Académie, des Scuole emplies de chefs-d’œuvre, aux mosaïques resplendissantes de la basilique Saint-Marc, que l’on ne se lasse pas de voir et revoir…
Venise s’étend sur une série de 119 îles qui émergent d’une vaste lagune située entre la terre ferme et la haute mer. Jusqu’à sa fondation, elle était habitée par quelques Illyriens et Vénètes qui vivaient sur des palafittes et subsistaient de la pêche et de l’extraction de sel.
Sa fondation date de l’an 421. Les habitants de Vénétie, expulsés par les Ostrogoth et les Lombards, se sont réfugiés dans ces terres marécageuses de l’embouchure du fleuve Pô, ce qui sera le point de départ de la ville de Venise.
Sa situation “privilégiée” entre marais et eaux marécageuses lui a conféré une grande indépendance […]

Sestieri Cannaregio. Un sestiere est un quartier du centre historique de Venise qui en compte six : Cannaregio, Castello, San Marco, Dorsoduro, San Polo, Santa Croce.

Le Ponte Chiodo dessert l’entrée de la résidence de la famille Chiodo, d’où son nom. Il date de 1697. C’est le dernier pont sans rambarde de Venise centre historique, tels qu’ils étaient autrefois.
C’est un pont sans parapet, aux marches profondes et peu élevées.

L’atelier « Il Forcolaio Matto », un des derniers remèr de Venise. La forcola d’une gondole est une pièce très particulière, taillée selon les mensurations et la corpulence du gondolier et en tenant compte, autant que possible, de sa façon de ramer et de son maintien sur le bateau. Elles sont en bois de noyer ou de cerisier, sculptées à la main par le « Remèr » dans les moindres détails. Leur design est unique.

Les traghettos sont les gondoles utilisées pour traverser le Grand Canal dans des zones où il n’y a pas de pont. Ces gondoles sont très pratiques et économiques au prix de 2 € la traversée. A noter, qu’il s’agit d’un service mis en place pour les travailleurs vénitiens, c’est pourquoi les traghettos n’opèrent que quelques heures par jour et que certains traghettos n’assurent pas de service les jours fériés.

Le carnaval de Venise est une fête traditionnelle italienne remontant au Moyen Âge. Il commence dix jours avant le mercredi des Cendres et se poursuit jusqu’au Mardi gras. Connu pour ses costumes et ses masques, il attire des foules considérables. La joie et l’anonymat sont au cœur de ce festival. C’est un temps pour oublier le quotidien et tous les préjugés. Les costumes pour le carnaval ont engendré un véritable marché des masques et des costumes.

Le pont des Soupirs ou Ponte dei sospiri, XVIIe siècle, pont-passerelle couvert qui comporte deux couloirs parallèles passe au-dessus du Rio de Palazzo de Canonica, reliant les anciennes prisons aux cellules d’interrogatoire du palais des Doges. C’est l’un des lieux touristiques les plus célèbres de la ville.

Vue de la lagune depuis l’intérieur du pont des soupirs.

Cour intérieure de la prison du palais Ducal où on accède par le pont des Soupirs en le prenant depuis le palais des Doges.

Pour la petite histoire, le nom pont des Soupirs suggère le soupir exprimé par les prisonniers conduits devant les juges, lors de leur dernier regard porté sur Venise. C’était donc la dernière image de la liberté pour ceux qui allaient finir leurs jours en prison.

Sur chaque campo de Venise (similaire à une place) se trouve une citerne (en forme de puits) de collecte des eaux de pluie filtrée pour être potable.
On remarque sur chaque socle du puits une coupe creusée dans son socle, une sorte de bol  : à Venise, la peste était l’une des maladies les plus craintes. La peste étant apportée par les rats alors les vénitiens utilisaient les chats pour chasser les rats. Il était interdit de les nourrir mais les vénitiens avaient à charge de remplir les bols d’eau douce pour eux.

Particularité vénitienne et témoignage de l’ingéniosité des vénitiens pour lutter contre les incivilités, depuis la nuit des temps : les anti-pipi.

Vue sur la lagune de Venise du sommet du campanile San Marco. Au premier plan le palais des Doges.

Une gondole est une longue et étroite barque traditionnelle de Venise dont le gondolier, déplace à l’aide d’une seule rame. La gondole n’est plus un moyen de transport depuis la fin du XVIIIe siècle mais est devenue une attraction touristique, souvent incontournable d’une visite à Venise. Il en coûte 80 €uros le tour d’une demi-heure et 100 € en le tarif de nuit.
Il faut s’assurer du prix au départ de la promenade et il est possible de réserver la gondole pour 4 de quoi mutualiser le coût.
A noter que le costume du gondolier provient du gondolier Bepi (Alberto Sordi) dans le film de Dino Risi, Venise, la lune et toi, film de 1958.

Vue sur les coupoles de la basilique San Marco du sommet du campanile San Marco.

La basilique cathédrale Saint-Marc est la plus importante basilique de Venise. Construite en 828, reconstruite après l’incendie qui ravagea le palais des Doges en 976, elle est, depuis 1807, la cathédrale du patriarche de Venise.

Mosaïques des petits dômes du narthex. L’intérieur de la basilique est un somptueux déploiement de mosaïques à fond d’or, qui lui ont d’ailleurs valu le surnom de « basilique d’or ».

Le maître-autel, orné d’un baldaquin soutenu par quatre colonnes en marbre grec très précieuses surmonte l’autel. Les colonnes sont toutes historiées de bas-reliefs du XIe siècle, de style byzantin, représentant des faits tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament. A l’intérieur de l’autel on conserve le corps supposé de Saint Marc ; qui y fut déposé le 26 août 1435, une inscription spéciale en rappelle les vicissitudes.

Au centre d’une coupole, le Christ en gloire, représentation artistique de Jésus-Christ dans son corps glorieux par opposition aux représentations plus humaines du Christ souffrant la Passion sur la Croix, ou celle de l’Enfant-Jésus.
Le Christ pantocrator est une représentation privilégiée de l’art byzantin qui montre le Christ en buste, tenant le livre des Saintes Écritures dans la main gauche et levant la main droite dans un geste d’enseignement codifié qui invite à la vie éternelle.

Les chevaux de Saint-Marc sont quatre statues antiques de chevaux de cuivre coulé, faisant partie d’un quadrige qui ornait autrefois l’hippodrome de Constantinople. Les Vénitiens les enlevèrent en 1204, après le sac de Constantinople durant la Quatrième croisade, par le doge Enrico Dandolo. Ils furent installés au-dessus de la porte principale de la basilique Saint-Marc en 1254 « pour symboliser le triomphe de l’Église ». Ils sont aujourd’hui remplacés par des répliques, les originaux étant conservés à l’intérieur de la basilique.
En 1797, Napoléon Bonaparte, alors général en chef de l’armée d’Italie du Directoire, prend Venise durant la première Campagne d’Italie (1796-1797) et emporte les chevaux. Il les fait installer sur les grilles des Tuileries, puis sur l’arc de triomphe du Carrousel, édifié à Paris en hommage à la Grande Armée, entre 1807 et 1809.
En 1815, après la bataille de Waterloo et la chute de Napoléon, à la suite du congrès de Vienne, les chevaux sont rendus à Venise par les Autrichiens.

Ce palais représente la plus grande œuvre d’imagination de Venise, d’art gothique et d’art de la Renaissance dans un décor coloré qui dissout les surfaces (Architecture gothique vénitienne). Le chantier du palais débute dans le courant de l’année 1340, sous la direction des architectes Pietro Baseggio et Filippo Calendario.
Les façades, l’une donnant sur la mer et l’autre sur la piazzetta, se composent d’une épaisseur de murs massifs et polis soutenus par deux étages de piliers posés l’un sur l’autre. Côté piazzetta, à l’étage, deux des colonnes de la loggia Foscara se distinguent des autres : réalisées en marbre rouge de Vérone, elles marquent l’endroit où étaient annoncées les sentences de mort, ensuite exécutées sur la place Saint-Marc, entre les colonnes de San Marco et San Todaro.

Le Grand Canal est le plus grand et le plus large des canaux de Venise du sud devant le bassin de Saint-Marc au nord-ouest près du pont de la Liberté. Il mesure au total 3,8 km de long pour 50 à 70 m de largeur et 5 à 10 m de profondeur. Le canal sépare physiquement Venise en deux et il est rejoint par 45 canaux plus petits et il est traversé par 7 ponts (4 ponts piétons, 2 ponts automobiles et 1 pont ferroviaire, ces trois derniers se situant à son extrémité nord-ouest).
Les rives du Grand Canal comportent plus de 170 édifices, la plupart datant du XIIIe au XVIIIe siècle et illustrant la richesse de la République de Venise. Beaucoup sont des palais qui émergent de l’eau sans aucun trottoir ; la seule façon de passer devant s’effectue par bateau.

Le pont du Rialto est le plus ancien et le plus célèbre et l’un des monuments les plus visités de la cité des Doges.

Le pont actuel, à arche unique sur le Grand Canal de 48 mètres, offre trois passages piétonniers, un au centre entre deux rangées de boutiques installées dans six arches à la montée et six arches à la descente, et deux de chaque côté des boutiques. Les trois allées piétonnières se raccordent au centre du pont par deux arches de plus grandes dimensions.
La présence de boutiques en fait un des rares exemples contemporains de pont bâti.

Au XIVe siècle, le pont du Rialto est le centre d’une bourse du Rialto en plein air, où on échange des parts de navire, ce qui facilite le développement d’une flotte commerciale et le quadruplement de la superficie de l’Arsenal de Venise, mené par les autorités de la ville.
Portant le nom du quartier de Rialto situé sur la rive gauche, il constituait jusqu’au XIXe siècle l’unique liaison entre les deux parties de la ville, reliant les sestieri de San Polo et de San Marco.

Gondoles au Pont du Rialto.

Le doge de Venise, Ordelafo Faliero, établit l’arsenal vers 1104, initialement comme lieu de stockage pour le ravitaillement des navires.
Ce chantier naval joue un rôle déterminant dans la construction de l’empire vénitien, permettant la production rapide de nombreux navires. Ceint par 3 km de murailles crénelées de briques rouges.
A son apogée, par sa taille, par son ancienneté ainsi que par l’ingéniosité de sa conception et de son fonctionnement (travail à la chaîne) l’arsenal de Venise est considéré comme l’un des premiers sites véritablement « industriels » apparus en Europe.

La façade du palazzo Salviati sur le grand canal, est un bâtiment du XIXe siècle avec des mosaïques publicité des produits de la verrerie Salviati.

Le palazzo Barbarigo un palais sur le Grand Canal. Construit au XVIe siècle, il est célèbre pour ses mosaïques de verre de Murano ajouté en 1886. Elles ont été inspirés des mosaïques de la façade de la basilique San Marco.

Le monument à Vittorio Emanuele II, pour commémorer le dixième anniversaire de la mort de Vittorio Emanuele II (1820-1878), le premier roi de Royaume d’Italie. Statue équestre, en bronze, réalisé en 1887 par le sculpteur romain Ettore Ferrari, situé dans Riva degli Schiavoni (sestiere Castello).

L’acqua alta de Venise : les acque alte désignent les hautes eaux qui correspondent à des pics de marée très élevés qu’on rencontre généralement entre l’automne et le printemps.

Le 12 novembre 2019 la deuxième plus grande marée jamais enregistrée a submergé des parties de la ville sous 2 mètres d’eau.

Le projet Mose dont le nom Moïse en français rappelle le personnage biblique dont le nom signifie « sauvé des eaux ». L’analogie est faite entre le système et l’histoire de Moïse qui est sauvé des eaux du Nil peu après sa naissance et qui assure ensuite le passage de la mer Rouge par le peuple d’Israël. est opérationnel depuis le 3 octobre 2020.
Le système MOSE (acronyme de MOdulo Sperimentale Elettromeccanico, « module expérimental électromécanique ») est un système intégré de défense formé de rangées de vannes mobiles escamotables permettant d’isoler la lagune de Venise de la mer Adriatique durant les phénomènes de hautes marées dépassant un niveau établi (110 cm) et jusqu’à un niveau maximum de 3 mètres. Cet ouvrage a té conçu par l’ingénieur Alberto Scotti.

Le squero de San Trovaso est l’un des plus anciens et des plus célèbres squeri vénitiens. Le squero ("chantier" en vénitien : à partir du mot "squara", qui désigne l’outil utilisé pour construire des bateaux) est le classique chantier de construction navale, où ont été construits et réparés les bateaux de petite taille tels que les gondoles, pupparini, sandoli, et autres bateaux typiques de la tradition navale vénitienne.
Il faut remonter au XIe siècle pour croiser les premières gondoles à Venise. Celles-ci avaient été instaurées par les autorités afin de faciliter le déplacement des riverains.
Rapidement, ce mode de transport peu coûteux est devenu très populaire. La ville italienne comptait ainsi plus de 10.000 gondoles au XVIe siècle, au départ ornées librement.
C’est un décret de 1562 qui en réglementa et en fixa la couleur. Le noir fut choisi afin de mettre un terme à une compétition tacite et jugée ruineuse qui opposait les Vénitiens les plus aisés.
En effet, ceux-ci se servaient de leur embarcation pour en faire un signe extérieur de richesse. Ils s’étaient alors engagés dans une course pour déterminer qui possédait la gondole la plus richement décorée.
Le squero de San Trovaso date du XVIIe siècle. Il est l’un des seuls bassins de radoub toujours en activité à Venise, même si aujourd’hui sont fabriqués ou réparés seulement des gondoles, alors que dans le passé, l’activité navale était étendue à d’autres types de bateaux.
Le bâtiment a la forme typique de chalets de montagne, ce qui est exceptionnel à Venise. Cela est dû à l’habitude des squerarioli de travailler avec du bois, notamment les charpentiers de marine.

Un peu de symbolique : Il fero de prua (terme vénitien pour désigner la figure de proue de la gondole) était à l’origine utilisé pour contrebalancer le poids du gondolier. Au cours du XVIIe siècle, il acquit une symbolique précise. Les six barres horizontales parallèles symbolisent les six sestieri de Venise et la barre située en arrière l’île de la Giudecca. Entre les ‘’six sestieri’’ sont symbolisées les 3 îles : Burano, Torcello, Murano. La courbure symbolise quant à elle le Grand Canal. La grande partie en haut du ferro représente le chapeau d’un doge (autrefois dirigeant de la ville de Venise). Enfin, l’espace vide formé par la rencontre de la figure supérieure et de la première barre représente le pont du Rialto. Il est toujours blanc.

La basilique des Saints-Jean-et-Paul est l’un des édifices médiévaux religieux les plus imposants de Venise. Il fait figure de Panthéon de la Sérénissime en raison des tombeaux de 25 doges et d’autres personnages importants qui y furent enterrés à partir du XIIIe siècle.
Selon la légende, les origines de la basilique sont liées à une vision du doge Jacopo Tiepolo qui, après avoir rêvé d’un vol de colombes au-dessus d’un espace marécageux, en fit don en 1234 aux dominicains présents dans la ville depuis plus de dix ans. L’église fut alors construite immédiatement.

Sur le campo de la basilique, la statue équestre du condotierre Bartolomeo Colleoni. Ce mercenaire, devenu l’un des grands chefs d’armée de Venise, lègue son immense fortune à la ville de Venise à sa mort en 1475. Charge à la ville de lui ériger une statue devant Saint-Marc. Les Vénitiens ne voulant ni perdre cette fortune ni élever de statue sur la place Saint-Marc, décident de placer la statue devant la Scuola Grande de Saint-Marc située ici ! La statue équestre, réalisée par Andrea Ceroochio, est remarquable.

L’entreprise "Mario Berta Battiloro" (Cannaregio, 5182) a été fondée en 1969 et reste le seul Battiloro (batteur d’or) qui exerce ce métier antique, selon un procédé de fabrication pratiquement inchangé au cours des siècles avec le désir de poursuivre l’ancien commerce familial commencé par Mario Berta en 1926. L’atelier artisanal est installé dans l’ancienne maison du peintre Tiziano Vecellio (Le Titien). L’entreprise propose des kits pour des applications innovantes dans le domaine alimentaire (pour la décoration d’épicerie fine) ou cosmétique (pour le maquillage du visage et la décoration des ongles), etc.

Le bassin Orseolo est à l’extrémité du rio. Le bassin Orseolo est un bassin d’abordage, creusé en 1869 sous le préfet de Venise Luigi Torelli lors d’une restructuration urbaine. Il permet aux gondoles de faire demi-tour et de se garer en grand nombre. Il fait environ 20 m de large sur 30 m de long. Cet endroit se situe juste au nord de la place Saint-Marc, derrière les Procuratie Vecchie.

Le ghetto de Venise est une zone close de cette ville où les Juifs furent forcés de résider séparés du reste de la population de 1516 jusqu’à l’occupation de la ville par Bonaparte en 1797. Situé dans le sestiere de Cannaregio, ce ghetto est le premier de l’histoire et va donner son nom à toutes les zones similaires créées par la suite en Europe.

La présence de Juifs à Venise est attestée dans un document dès le Xe (lettre du doge Pietro Candiano envoyée au roi de Germanie et à l’archevêque de Mayence en 932). En effet, la population juive européenne et levantine subit une persécution pendant les croisades. La peste noire fait nourrir de nouvelles accusations d’empoisonnement contre les Juifs ashkénazes qui subissent des massacres et des pogroms en pays germaniques, aussi certains d’entre eux trouvent refuge dans la République de Venise. En 1381, est signé un contrat, le condotta, qui autorise leur installation mais limite leur activité au prêt sur gage, à l’usure (activités interdites canoniquement aux chrétiens) et à la vente de fripes, et leur impose le port d’un signe distinctif, un O de toile jaune cousu sur leurs vêtements (rapidement abandonné pour un bonnet rouge).

Le ponte dei Pugni (littéralement, le pont des Poings) sur le Rio de San Barnaba est un pont de Venise, situé dans le sestiere de Dorsoduro, près du Campo San Barnaba.
Ce pont est éponyme d’une vieille tradition de Venise abandonnée depuis des siècles : la Guerre des poings. Les habitants des deux factions opposées, les Castellani de San Pietro di Castello et les Nicolotti de San Nicolò dei Mendicoli, se rencontraient à "coups de poing" au-dessus du pont. Du mois de septembre jusqu’à Noël, les Castellani et les Nicolotti s’affrontaient à coups de poing sur les ponts de la ville, dont presque tous sans rampes sur les côtés. La division entre les deux factions avait des origines très anciennes.

Le palazzo Bernardo Nani Lucheschi est un édifice civil vénitien, situé dans le sestiere Dorsoduro et surplombant le Grand Canal entre la Ca’ Rezzonico et le palazzo Giustinian Bernardo.
Construit pendant la période de transition entre la Renaissance et le baroque, il a une façade ornée de deux armoiries à la hauteur du deuxième étage, divisée en rez-de-chaussée, deux étages nobles et une sous pente. Suivant les préceptes de l’architecture vénitienne, il organise sa façade autour d’un axe central caractérisé par la présence de deux balcons et du portail d’eau. Le palais dispose d’un grand jardin arrière, construit au XIXe siècle.

Le jardin mystique des Carmélites déchaussées. Les carmélites ont des origines lointaines et l’ordre trouve ses racines à la fin du XIIe siècle en Terre Sainte, sur les pentes du Mont Carmel, où ils érigèrent la première église de la Bienheureuse Marie du Mont Carmel. La "qualification" des Scalzi dérive de leur ancienne coutume de porter des sandales sans chaussettes.
A Venise les Carmélites déchaussées se sont installé en 1633 et leur jardin les rendit particulièrement célèbres à Venise (et au-delà) car ils y cultivaient de la mélisse. C’est une plante aromatique à partir de laquelle dès 1710, ils ont fait l’eau de mélisse.
L’eau de mélisse est citée dans les pièces de Goldoni comme un remède très populaire.

La Fenice est un opéra construit à Venise au XVIIIe siècle dans le style néo-classique avec une salle proposant cinq étages superposés de loges finement décorées en rouge et or.
Il est, avec la Scala de Milan et le San-Carlo de Naples, l’un des temples les plus prestigieux de l’opéra italien.

Construire par l’architecte Gian Antonio Selva, elle est inaugurée le 16 mai 1792 avec un opéra et un ballet I giuochi d’Agrigento (Les jeux d’Agrigente) de Giovanni Paisiello.

San Vidal est dans le sestiere de San Marco. L’église de San Vidal a été fondée en 1084 sous le règne du doge Vitale Falier et a été rénové à la fin au XIIe siècle puis au XVIIe siècle, pour commémorer la victoire du doge Francesco Morosoni sur les Turcs. (1688 à 1694). Le projet a été réalisé par Andrea Tirali.
L’église, désacralisée, est aujourd’hui utilisée comme un espace pour les concerts de musique classique et baroque.

San Vidal est réputée pour le chef-d’œuvre qui se dresse derrière son maître-autel : Gloire de Saint-Vital, une peinture de Vittore Carpaccio où l’on retrouve le rouge saturé et le souci du détail caractéristiques du maître.

Venise : Ile de Burano

Burano est une île du nord de la lagune de Venise. Elle est connue pour sa dentelle et ses canaux bordés de petites maisons peintes de couleurs vives. À l’origine, les pêcheurs peignaient leur maison de différentes couleurs pour se repérer et reconnaître leur maison en cas de brume.
Vers le milieu du XVIe siècle que naît la dentelle à l’aiguille qui devient la spécialité de Burano.
L’île a produit aux XVe et XVIe siècles les plus belles dentelles d’Europe, au point qu’au XVIIe siècle, le roi de France Louis XIV interdit leur importation et crée, pour tenter de les imiter, la Manufacture royale des dentelles françaises.

Ile de Burano - Eglise Saint-Martin de Vescovo

Venise : Ile de Torcello

Torcello est une île du nord de la lagune de Venise.
De par sa situation, elle fut l’une des premières îles de la lagune à être habitée. Torcello, avec les îles voisines de Mazzorbo, Burano, Ammiana et Costanziaco, forme la tête de pont commerciale de Venise sur la mer Adriatique mais à partir du XIIe siècle, la lagune entourant Torcello s’envase et les habitants quittent alors l’île pour aller s’installer ailleurs. Torcello est désertée.

Venise : Ile de Murano

L’île de Murano est située au nord de Venise, dans la lagune. Les artisans, spécialisés dans le soufflage de la qualité précise du verre de Venise, ont une renommée internationale.
En 1201, le Sénat de Venise rédigea un décret qui obligeait les verriers de Venise à installer leurs fours sur l’île de Murano. De nombreux incendies s’étaient en effet déclarés à Venise au départ des fours de verriers et les Vénitiens s’inquiétaient des risques encourus par leurs maisons en bois. La condition insulaire permettait en outre de préserver plus facilement le secret de la fabrication du verre.
Lorsque Louis XIV, au XVIIe siècle, finit par réussir à débaucher quelques verriers de Murano pour les amener en France, le Conseil des Dix de la République de Venise alla jusqu’à payer des agents pour tuer les ouvriers déserteurs qui refuseraient de rentrer à Murano.

Venise : Santa Maria della Salute (Sestieri Dorsoduro)
La basilique Santa Maria della Salute (Sainte-Marie du Salut) est une église de Venise située à l’extrémité sud du Grand Canal dans le sestiere Dorsoduro.
Sa construction fut décidée par le Sénat de Venise en 1630, alors qu’une épidémie de peste commencée dans l’été 1630 décimait près d’un tiers de la population en deux ans.
La construction commença en 1631 et le monument fut inauguré en 1681. Cependant, la construction ne s’acheva qu’en 1687, car il s’agit en effet de la construction de Venise reposant sur le plus grand nombre de pilotis : 1.156.672.
L’architecte Longhena a conçu la basilique de forme octogonale pour évoquer une couronne dédiée à la Vierge. L’originalité de son architecture, réside dans les orecchioni (surnommées les « grandes oreilles » par les vénitiens), des volutes en spirale coiffées de statues qui assurent la transition entre le dôme et les façades.
La sacristie renferme de nombreux tableaux, dont les célèbres Noces de Cana du Tintoret.

Au passage du pont de l’Academia

L’autel de la descente du saint Esprit. Sur l’autel le reliquaire de San Crescenzio, les sculptures d’angelots sont de Michele Fabris appelé le hongrois. Le retable montre une toile du Titien la descente du saint Esprit peinte en 1555.

Le maître autel - groupe sculptural sur l’autel représente une Madone à l’Enfant, pour représenter le Salut qui défend Venise de la peste. Œuvre du sculpteur flamand Josse le Court né à Ypres en 1627 et est mort à Venise en 1679.

Venise : Sacristie de la Santa Maria della Salute (Sestieri Dorsoduro)

Les Noces de Cana du Tintoret (1561). Cette toile avait été peinte pour le réfectoire des Crociferi et le peintre, pour augmenter l’effet de la perspective, avait continué, dans le tableau, le plafond à caissons de la salle.
Les Noces de Cana est un épisode biblique, tiré du Nouveau Testament qui évoque le premier miracle accompli par le Christ. Alors qu’il est invité à un repas de mariage dans la ville de Cana, le vin vient à manquer à la fin du banquet. Il ordonne alors aux serviteurs de remplir d’eau les grandes jarres de pierre puis de servir le maître de maison.

Pietà : bas-relief attribué à Antonio Dentone XVe siècle, peut-être de Tullio Lombardo.

Venise : San Salvador (Sestiere San Marco)
La légende : Jésus-Christ serait apparu dans un rêve à l’évêque de San Magno pour lui montrer l’endroit - au centre d’une Venise encore Byzantine - où il aurait à construire une église dédiée à Lui, le Sauveur du monde. Les premières fondations remontent au VIIe siècle.

San Rocco et san Sabastino (Alessandro Vittoria, XVIIe siècle)
Tableau : sant’Antonio abate tra, san Giovanni Battista, san Francesco d’Assisi (Jacopo Palma il Giovane, XVIIe siècle)

Venise : Ile de Giudecca - San Giogio Maggiore

[|La cène, Le Tintoret|]Cette œuvre, l’une des dernières années de l’artiste, s’écarte radicalement de cette formule de composition. Le centre de la scène n’est pas occupé par les apôtres mais par des personnages secondaires, comme par exemple une femme portant un plat et autres serviteurs remportant les plats présents sur la table. La table autour de laquelle les apôtres sont assis recule dans l’espace en une diagonale abrupte. En outre, la peinture du Tintoret présente une utilisation plus personnelle de la lumière, qui semble entrer dans l’obscurité de la lumière au plafond et de l’auréole de Jésus. Une foule d’anges planent au-dessus de la scène.

Le chinois Ai Weiwei 艾未未, artiste qui a fui la Chine fait une carrière internationale. Actuellement (novembre 2022), il expose plusieurs de ses œuvres dans la basilique San Giiorgio Maggiore gardée par les bénédictins de la communauté Benedicti Claustra Onlus qui ont pour mission de conserver, promouvoir et valoriser le patrimoine de l’abbaye de l’île et celui de l’abbaye de Pragla, à côté de Padoue. 

En entrant par la porte principale, on reste stupéfait par cet énorme lustre, candélabre, lampadaire ou luminaire comme on voudra. Suspendu à un portique, cette énorme masse noire envahit tout l’espace, coupe le souffle du visiteur qui ne peut s’empêcher d’aller y voir de plus près. On voit alors que de multiples petites pièces constituent cette œuvre qu’on ne s’attend pas à voir dans ce lieu de prière, de recueillement et de silence. Et l’on découvre que ce lampadaire est fait de multiples morceaux qui représentent des parties de corps humains ou non, des os ou des viscères parfaitement reproduits. Chaque pièce est noire, parfaitement dessinée et identifiable. Toutes les pièces sont faites du même matériau que l’on pense être du métal du fait de leur opacité mais qui sont en réalité en verre noir de Murano. (In https://wukali.com/)

Venise : Ile de Giudecca - San Eufemia

L’église Sant’Eufemia a été fondée au IXe siècle sur l’île de la Giudecca à Venise. Elle a été restaurée à plusieurs reprises, les travaux de décoration (stucs, peintures,..) réalisés au XVIIIe siècle y sont encore très visibles.
L’église d’origine avait la forme traditionnelle d’une basilique vénéto-byzantine, plusieurs colonnes et des chapiteaux datent de sa fondation. Elle comporte trois nefs qui sont orientées parallèlement au canal de la Giudecca.

Groupe en marbre de l’autel des douleurs par Gianmaria Morlaiter, 1722.

Venise : Scuola Grande di San Rocco (Sestiere San Polo)

La Scuola Grande di San Rocco, est située dans le sestiere de San Polo, près de la basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari.

De toutes les Scuola Grande de Venise, qui avec les confréries mineures ont constitué, des siècles durant, le vaste réseau d’associations religieuses créées pour aider les pauvres et les malades, protéger les intérêts des processions individuelles, ou aider les membres les plus faibles et les plus nécessiteux des communautés non vénitiennes vivant dans la ville, la Scuola di San Rocco est certainement la mieux conservée, du point de vue de l’architecture et du mobilier.

La « fraglia » (confrérie) dédiée à Saint Roch de Montpellier, décédé a Plaisance en 1327 et dont la dépouille aurait été transférée à Venise en 1485, fut légalement reconnue par le Conseil des Dix en 1478 dans le but d’aider les malades et tout particulièrement ceux qui étaient touchés par académies.

L’église Saint-Julien en fut le siège, dans un premier temps, avant de passer près des absides de l’église Sainte Marie Glorieuse des Franciscains, après bien des vicissitudes. C’est là qu’entre les XVe et XVIe siècles furent édifiées la « Scoletta » et l’église Saint-Roch, cette dernière ayant été construite sur un projet de Pietro Bon, « proto » (maître-maçon) des Procureurs de Saint-Marc, dont la façade fut ravalée par Bernardino Maccaruzzi, entre 1765 et 1771.

Après quoi, les moyens économiques considérables, à la croissance desquels contribuaient les offres des dévots de la relique vénérée de saint Roch et de l’image miraculeuse du Christ portant la croix réalisée par Le Titien, la Banca de la Scuola ne tarda pas à construire un siège bien plus imposant, qui devait créer l’un des points de vue urbanistique les plus caractéristiques et des plus fascinants de Venise, le « Campo San Rocco ». (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

L’Annonciation, Le Tintoret, huile sur toile, 1581-1582.

C’est l’Ange qui vient annoncer sa prochaine divine maternité à Marie, et qu’il trouve dans un intérieur caractérisé par une minutie réaliste jusque dans les moindres détails : La base en briques et la colonne en ruine ; le plancher bicolore à dalles de marbre ; la chaise empaillée qui laisse clairement voir les signes du temps ; La corbeille à ouvrage aux pieds de la Vierge ; le grand lit surmonté d’un baldaquin en arrière-plan. Même s’il est moins scénographique que l’intérieur, l’extérieur de la maison, où saint Joseph est en train de travailler, entouré de ses outils de menuisier, accrochés à cabane, n’en est pas moins réaliste. (Ou bien s’agit-il du Christ en train d’assembler sa Croix ?). À une description si objective de l’environnement contraste l’intensité de l’apparition miraculeuse du messager céleste et de la joyeuse farandole des angelots venant de gauche, précédés par le Saint-Esprit sous la forme d’une candide colombe aux ailes déployées ; presque perpendiculaire au-dessus de la tête de la Vierge. L’encrage appuyé des zones d’ombres donne à chaque image une sensibilité et une tournure émotionnelle immédiates, qui ravissent le spectateur au premier regard. Dans l’exécution alourdie de certains détails, comme la tête de la Vierge, le manteau de l’Ange annonciateur, les angelots volants, on reconnaît l’intervention de Domenico Tintoretto, fils du Tintoret. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

L’Assomption de la Vierge, Le Tintoret, huile sur toile, 1582-1587.

L’intervention de 1970 n’a pas pu pallier totalement aux conséquences des nombreuses rénovations subies par cette toile, parmi lesquelles, notamment, celles de 1678 par Angelo Vidali et de 1834 par Antonio Florian. Mais bien qu’altérée dans l’intégrité de ses pigments, l’œuvre montre encore l’inventivité et la tension émotionnelle du Tintoret et son application directe à la toile.

La Vierge monte au ciel sous l’impulsion d’un coup de vent soudain, qui disloque les attitudes des apôtres, chacun saisi d’une émotion particulière devant l’événement miraculeux et secoué de multiples sentiments allant de l’incrédulité à l’émerveillement, en passant par l’adoration extatique. À leur large demi-cercle, et c’est là l’endroit le plus appauvri en couleur par les interventions non orthodoxes du passé, répond le cercle lumineux et flamboyant tournant incessamment autour de la Vierge. À droite, ce qui se passe entre le ciel et la terre est mûrement médité par deux hommes âgés, certainement des frères de la Scuola, peints sur le telero par Le Tintoret en mémoire de l’extraordinaire alliance qui aura duré plus de vingt ans, entre artiste et les responsables de la Scuola Grande di San Rocco. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

La Piscine Probatique, Le Tintoret, huile sur toile, 1578-1581.

A cause de retouches anciennes et répétées, dont l’une a été réalisée en 1602 par Domenico Tintoretto, à qui nous devons la réfection du bas du tableau, de la jeune femme à la femme âgée tournée vers Le Christ, et une autre, réalisée en 1696 par Lelio Bonetti, qui, pour des disons méthodologiques, n’ont pas été éliminées à l’occasion de l’intervention de 1974, ce telero est le moins bien conservé de tous ceux que Le Tintoret a faits pour la Scuola Grande di San Rocco. Malgré cela, l’organisation de la scène, s’une ampleur narrative qui exprime parfaitement le sens et le retentissement de l’événement miraculeux, est encore admirable.

Sous la pergola sur laquelle court vigoureusement une vigne, entre ombre et lumière, le Christ, à droite, se penche sur une femme souffrante pour la regarder de plus près, tandis qu’autour du grand bassin se presse la foule des malades de peste.

Du point de vue thématique, selon de Tolnay, en raison de la symbolique de l’eau libératrice de tout mal et source de vie, ce telero est lié au tableau exposé sur le mur qui lui fait face, représentant Le Baptême du Christ aux ovales du plafond qui le surplombe. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

La Circoncision, Le Tintoret, huile sur toile, 1587.

Il s’agit du dernier telero de la Salle Terrena, qui occupe cette place août 1587.

La grande participation, reconnue par tous les critiques, à la réalisation de cette toile, de l’atelier du Tintoret et plus particulièrement de fils Domenico, a été confirmée à l’occasion de la restauration de 1970. Cela a mis en évidence combien l’invention du Tintoret est dénaturée par l’intervention d’un collaborateur, tant dans la qualité un peu sombre de la couleur que dans les choix figuratifs surchargés. Ainsi, la brillante conception du Tintoret est-elle affligée d’une languissante lenteur descriptive. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

La Fuite en Egypte, Le Tintoret, huile sur toile, 1582-1587.

Après avoir furtivement évité tout lieu habité, Marie, Joseph et leur divin Enfant, qui viennent d’échapper au génocide ordonné par Hérode, sont sur le point de faire une halte dans une clairière. Leur crainte et leur appréhension va jusqu’à empreindre la grande diversité du paysage lyriquement exprimé avec un sentiment panique dans le silence de la vie des champs, dans les collines et les montagnes enneigées qui se succèdent jusqu’à l’horizon, sous l’azur d’un vaste ciel morcelé par des nuages blanchâtres aux lueurs rouges. Les nombreux et splendides détails évoqués dans la densité de l’atmosphère à l’heure qui précède le crépuscule, sont ramenés par la lumière à de petites unités expressives, dans l’inarrêtable déferlement d’éclats mystérieux et poignants.

À gauche, au premier plan, dans une nature mêlant verts, bruns et blancs cassés, le petit groupe de fugitifs et leur humble paquetage sont représentés de manière concise et claire, donnant la juste valeur à chaque forme et à chaque couleur, alors qu’à droite, le paysage construit par des légères d’une rapidité extraordinaire s’étend dans d’insondables profondeurs. La brise anime le plan d’eau d’étincelantes vaguelettes, tandis que les murs de la chaumière frémissent de lueurs dorées et que les troncs et les branches des arbres s’éclairent de touches de lumière qui morcellent les crêtes des collines et les montagnes en une myriade d’étincelles.

Dans la trame lyrique de la couleur et de la lumière, comme suspendu sous une pression interne, cet épisode atteint une ampleur cosmique. Grâce à l’heureuse invention graphique et chromatique issue de l’imagination du Tintoret, qui tisse et métamorphose ce passage de l’évangile, le paysage est défini comme l’un des plus mémorables de l’art vénitien et européen de tous les temps. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

La Cène, huile sur toile 1578-1581

De même que Le Baptême du Christ et La Prière dans le Jardin des Oliviers. La Cène est représentée en mettant les espaces en relation au moyen de profondes perspectives. La capacité du Tintoret de donner sans cesse une image inédite d’un sujet parmi les plus chers et les plus répétés de son répertoire figuratif est remarquable.

Passé le premier plan, où deux pauvres sont représentés au pied des marches, de part et d’autre d’un petit chien agité, le damier bicolore du sol en marbre, qui monte vers les cuisines dans une perspective raide et oblique, est coupé de travers, contre le mur dans l’ombre, qui délimite, à droite en diagonale la grande pièce, par la très longue table le long de laquelle les proportions des personnages attablés décroissent rapidement. Chaque élément de la composition concourt à la création d’un effet de profondeur sans limite grâce au jeu habilement organisé de la lumière. Touchés par deux sources de lumière, l’une provenant du premier plan et l’autre du couloir au fond à droite, les apôtres sont représentés par des clairs-obscurs, dans un tumulte de poses et d’attitudes spirituelles, s’affairant autour de la table dans une vive agitation. Une fébrilité qui s’atténue dans la figuration du Christ, la plus petite, bien qu’immédiatement reconnaissable par son éblouissante auréole, qui vient de déclencher tant d’émotions en instaurant le sacrement de l’Eucharistie et en annonçant la trahison d’un des apôtres. Chaque image est définie avec une force indescriptible par le rythme accéléré et pressant avec lequel la lumière s’introduit de tout côté. Même lorsque les traits se font plus pressés et donc moins nets, comme dans la représentation des serviteurs et des domestiques occupés parmi les ustensiles, face au grand vaisselier, et dans la cuisine ornée de la grande cheminée, l’authenticité des aspects physiques et psychologiques exprimée par la lumière et les couleurs n’est nullement perdue, même si elle ne forme qu’une trame une fantaisie transfiguratrice mémorative et puissante.

La qualité si intensément picturale de ce telero retint l’attention de Diego Vélasquez, qui, au cours de son séjour à Venise en 1649, en fit une copie, aujourd’hui conservée à l’Académie royale des beaux-arts Saint-Ferdinand, Madrid, pour la donner à Philippe IV d’Espagne.

Comme l’indique de Tolnay le sacrement de l’Eucharistie, sujet de ce telero, fait allusion aux compartiments du plafond, au-dessus de l’autel. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

La Résurrection du Christ , Huile sur toile, 1578-1581.

Dans un dramatique crescendo, la force de l’effet de clair-obscur et de la composition se termine et converge vers le Christ ressuscité, invincible témoin de la foi, auréolé par l’éblouissante clarté enflammant le sépulcre ouvert. Sa représentation est magnifiquement caractérisée par l’exubérante élocution de Boschini, qui, en 1660 écrit : « Il est impassible, radieux et resplendissant / entouré de rayons d’or ». Dans sa lumière surnaturelle se tiennent, battant de leurs grandes ailes, les quatre anges qui viennent de retirer la lourde pierre en marbre qui fermait le tombeau, tandis qu’éclairées par la lumière du jour, deux femmes pieuses arrivent de gauche en bavardant.

L’agitation qui entoure le divin événement est jouée sur une partition de couleurs fortes et soutenues, juxtaposées dans des accords contradictoires dans les zones d’ombre, comme dans le fond ardemment éclairé. De Tolnay rappelle que le thème de ce telero est annoncé par La Vision d’Ézéchiel dans l’ovale du plafond qui le surplombe. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

La Prière dans le jardin des Oliviers , Huile sur toile, 1578-1581.

Dans une mise en scène nocturne et avec une formidable maîtrise de la lumière, Le Tintoret souligne ici le tragique d’un drame immédiat et indicible, en réunissant les moments capitaux de ce passage du Nouveau Testament. En haut à droite dans un recoin du Jardin, le Christ, enveloppé d’un manteau rouge et penche dans sa souffrance humaine, reçoit l’annonce de sa mort prochaine de la part du messager divin, qui surgit de droite dans une auréole éclairée de rose, dont les reflets colorent les feuilles des arbustes. La même source de lumière surnaturelle éclaire les deux apôtres abandonnés dans leur sommeil, le troisième, qui vient de s’éveiller, et le cortège armé qu’on aperçoit à gauche, immobile et prudent dans l’air froid du soir, prêt à surprendre Le Fils de Dieu dans le Jardin.

La tension apportée par l’usage de la lumière, qui, dans les œuvres du Tintoret, et notamment dans les telero de la Scuola Grande di San Rocco, bien que l’intensité et les valeurs tonales se soient altérées, remplaçait de plus en plus le rôle principal des moyens d’expression, touche, dans La Prière dans le Jardin des Oliviers, l’un de ses moments les plus matures et les plus sublimes. Entre figuration des personnages et illustration des différents moments d’un récit rapporté avec vivacité au point de susciter immédiatement de fortes émotions chez le spectateur, Le Tintoret parvient à exprimer à la perfection la souffrance humaine de Jésus par une interprétation visionnaire qui a été comparée, à juste titre, à celle du Greco : le Christ, abandonné dans la tragique perspective de sa mort ; la divine assurance de l’ange lui portant le calice amer ; la fragilité de la fidélité des apôtres à leur maître ; l’attitude furtive et sournoise des persécuteurs du Christ, si merveilleusement exprimée par l’imbrication tourmentée des traits lumineux, blafards, comme lunaires. Et l’intensité brûlante du fantasme poétique trouve dans la rapidité d’exécution le meilleur moyen d’expression qui soit.

Selon de Tolnay, l’argument du telero est étroitement lié au Sacrifice d’Isaac, représenté dans l’ovale du plafond. Sur ces deux toiles, le point focal du moment émotionnel est la souffrance provoquée par un événement non désiré, mais imposé par la volonté divine. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

L’Adoration des Bergers , Huile sur toile, 1578-1581.

Sur la première toile du mur extérieur de la Salle Supérieure, l’idée du Tintoret atteste une liberté de composition inédite.

Dans une interprétation personnelle, Le Tintoret imagine les pasteurs en bas présentant leurs cadeaux, avec des gestes enfiévrés et joyeux, dans un contraste d’ombres et de lumières venant du dehors ; en haut, des protagonistes et des personnages secondaires de l’événement divin se présentent avec solennité, éblouis par la lumière qui pleut de la charpente effondrée de l’humble étable.

Les deux registres émouvants sont également soulignés par la différence de qualité de la couleur : dans la partie inférieure, animée par une agitation sans trêve, sous la lumière des chatoiements et des reflets, tout en veillant à rappeler avec réalisme les animaux de l’étable, le paon haut en couleur et les simples outils ; dans le registre supérieur, l’atmosphère est plus calme et plus détendue, même si les rechampissages s’animent soudain d’ardents rais de lumière. Leur identité et leur signification sont claires à tout le monde. À juste titre, Anna Palcadeni souligne les affinités entre la peinture du Tintoretto destinée à la Scuola Grande di San Rocco pour conforter la population humble et frappée de maux particulièrement cruels et un certain mysticisme, qui s’exprime à Venise à partir de la deuxième moitié du XVIe siècle, et la parole des prêcheurs, dont Mattia Bellentani, réputé pour sa Pratica dell’orazione mentale de 1573.

Selon de Tolnay, la peinture doit être mise en relation avec la future libération du péché, comme le laisse croire aussi son placement près de l’ovale du plafond représentant Le Péché Originel. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

Le Péché originel , Huile sur toile, 1577-1578.

Alors que de Tolnay interprète le péché originel comme la cause de tous les maux de l’Homme, Schulz voit dans l’argument de la toile une introduction au programme de toute la décoration picturale de la Salle, axée sur le salut.
Comme dans le même sujet affronté près de trente ans auparavant sur le telero de la Scuola della Santissima Trinità, aujourd’hui exposé aux Galeries de l’Académie, les personnages d’Adam et d’Ève sont représentés près d’un arbre.
Mais dans cette version, l’atmosphère d’attente panique de la toile des Galeries Academie est remplacée par l’angoissante prise de conscience des conséquences de l’acte interdit, rendue par le virage intense et fort du clair-obscur et par le cadre naturel et sauvage dans lequel les personnages sont représentés. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

La Crucifixion , Huile sur toile, 1565.

C’est dans La Crucifixion, l’une des toiles les plus apothéotiques de la lu vaste production du Tintoret, que se situe le climax du cycle de la Passion peint par l’artiste pour la Salle de l’Albergo. Et sur ce gigantesque tableau qui occupe tout le mur en face de l’entrée, on peut en lire, en bas à gauche, à côté du postérieur droit du destrier blanc, la date d’exécution et la signature : m.d.lxv./tempore. magnifici/domini hieronymi/rotae, et collegarvm/jacobvs tinctorec/tvs facebat.

Ce tableau grandiose, payé deux cent cinquante ducats au Tintoret le 9 mars 1566, plut tout de suite à ses contemporains, comme en témoignent non seulement les écrits, mais aussi les nombreuses estampes parmi lesquelles la première et la plus célèbre, réalisée en 1582 par Augustin Carrache pour le cardinal Ferdinand 1er de Médicis, et donc du vivant du Tintoret, et l’étude passionnée de grands protagonistes de la peinture du XVIIe siècle en Europe, tels que Rubens et Van Dyck.

Le Tintoret s’était préparé avec application à la réalisation de cette toile, exécutant de nombreux dessins dont quelques exemplaires préparatoires de personnages sont connus (Cabinet des Dessins et Estampes des Offices à Florence ; V&A de Londres ; Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam) et surtout en fixant directement sur la toile les repères de la composition de manière extraordinairement détaillée, comme il a été possible de le constater pour cette œuvre mais aussi pour les autres peintures du Tintoret se trouvant à la Scuola Grande di San Rocco, lors du doublage réalisé à l’occasion de la restauration 1969-1974.

La grandiose scénographie humaine qui se développe horizontalement est axée sur le Christ crucifié, qui la domine et la surplombe, se découpant sur le ciel plombé de nuages d’orage, dans sa tragique solitude, entre le groupe de pleureuses au pied de la Croix et le tumulte de la foule subdivisée en petits groupes disposés en éventails selon des axes bien précis, sur les côtés de l’escalier, des cordes et des croix des deux voleurs. Ici, l’éclat des tons caractérisant Saint Roch en gloire n’est plus de mise. Le clair-obscur donne à l’ensemble une insondable profondeur de la perspective, faisant puissamment émerger vers l’espace réel, les groupes de cavaliers sur les côtés, le Christ en Croix, les pleureuses au pied de la Croix et décrivant, avec des effets de lumières de plus en plus rapides, la foule au fur et à mesure qu’elle s’éloigne de l’avant-scène, jusqu’à l’évoquer en arrière-plan comme ses filaments incandescents qui s’entrecroisent et se mêlent aux éléments clairsemés dans un paysage désolé, balayé par le vent. Au rythme dynamique de la lumière vive et très mobile, la palette de couleurs se changent en tons, en accords, en moirures tantôt denses et chaudes, tantôt pâles et froides qui atteignent le moment le plus émouvant dans le groupe de pleureuses réunies au pied de la Croix, où se détache le groupe des têtes penchées sur le visage de la Vierge ravagé par la douleur ; l’observateur remarquera la magnificence de saint Jean l’Évangéliste regardant vers le haut transporté par une adoration silencieuse et la tête de la femme peinte en profil perdu, désireuse de saisir jusqu’au dernier souffle de vie du Fils de Dieu.

Dans la régie d’un récit magistralement cohérent entre les espaces et les éclairages, les couleurs et les lumières vibrent intensément. Sur cette étendue jaunâtre violemment éclairée se joue le dernier acte de la vie des deux compagnons de supplice du Christ ; les spectateurs, quant à eux, semblent flotter dans un tourbillon incessant, en cercles concentriques, dont le mouvement entraîne physiquement les observateurs du tableau. La réalité historique de l’événement est ainsi transcendée par l’imagination du Tintoret, qui met en scène un spectacle religieux de grandeur chorale, d’interprétation poétique du miracle chrétien auquel, en raison de la profonde charge émotionnelle, chacun doit apporter sa contribution en tant que participant et acteur bouleversé. L’artiste lui-même en donne un exemple, en se peignant sous les traits de l’homme barbu qui, appuyé sur les pierres empilées, au-dessus du piocheur creusant le sol, reste interdit dans la contemplation silencieuse de Marie et des pleureuses qui l’entourent. (In La Scuola Grande di San Rocco, Francesco Valcanover, Lineadacqua, 2021)

Venise : Chiesa di San Rocco (Sestieri San Polo)

La Chiesa di San Rocco, est située dans le sestiere de San Polo, près de la basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari.
Le couvent et l’église ont été construits en 1488 sur la zone couverte par un oratoire de la confrérie de Saint-Roch, dédié à Sainte Suzanne. Le premier architecte semble avoir été Pietro Bon. La construction de la coupole n’a pas eu lieu avant 1507. En 1726, l’église a été entièrement rénovée par Giovanni Antonio Scalfarotto, qui a conservé la vieille abside et le dôme.

La façade est ornée de statues de Giovanni Marchiori. Du côté gauche de haut en bas : S Laurentius Justinianus et S Cerardus Sacredus et du côté droit, S Grégorius Barbadicus et S Petrus Urseulus.
Lorenzo Giustiniani et Pietro Orseolo.
Au centre au-dessus de la porte d’entrée : San Rocco guérit les victimes de la peste par Giovanni Maria Morlaiter.

Le maître-autel (1517-1524) a été dessiné par Venturino Fantoni et les statues du retable sont l’œuvre des sculpteurs Giovanni Maria Mosca et Bartolomeo Bergamasco.
Le plafond de l’abside par le Pordenone, 1528 (Repeint au XVIIIe siècle par Giuseppe Angeli.
La chapelle de Saint-Pie X
La tombe de Saint Roch et sa statue par Pietro Bon
Saint Martin et Saint Christophe
Saint Martin et Saint Christophe du Pordenone
Le Christ expulse les marchands du temple de Giovanni Antonio Fumiani
Le Christ guérit le paralytique par le Tintoret
Sainte Hélène retrouvant la Vraie Croix Sebastiano Ricci
Saint François de Paule ressuscitant un enfant mort Sebastiano Ricci
L’orgue de Pietro Nachini, rénové par Gaetano Callido

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vendredi 25 novembre 2022
par  gs

Les saints Roch de Venise (Italie)

Le saint Roch de Burano
en l’église Saint-Martin. Les saints Roch en la sacristie de la Santa Maria della Salute (Sestiere Dorsoduro).
Les Saints Roch, Sébastien et Jérôme de Gerolamo da Treviso Le saint Roch de San Salvador (Sestiere San Marco).
Le saint Roch de San Giogio Maggiore sur (…)