La Rosace
Quelques notes dictées par KIJNO Avant toute chose, il faut que nous nous mettions bien dans l’esprit, comme nous l’avons fait dès le début avec Messieurs Pierre Louis Carlier, Architecte et Peter Rice, Ingénieur des structures, ce qui suit :
A Notre-Dame de la Treille nous ne construisons pas une cathédrale moderne ex nihilo, mais nous prolongeons la réalisation d’un projet néo-gothique du XIXème siècle, lui-même relié à cette même notion gothique des grandes cathédrales du Moyen-Age. Ce concept architectural spirituel et historique ne devra jamais nous quitter pendant la réalisation de notre projet, qui lui-même sera repris dans les siècles futurs, selon les nécessités et les modalités de l’époque. J’y verrai là une certaine forme de la permanence de l’Eglise.
Plus précisément, en ce qui concerne la rosace de Notre-Dame de la Treille, Monseigneur Vilnet, Evêque de Lille, m’a proposé le thème de la Résurrection. J’ai pensé élargir ce thème en le reliant à la mort du Christ, le Vendredi Saint, pour exprimer ce qui me paraissait le plus mystérieux dans ces derniers moments de la vie de Jésus (car il s’agit bien du mystère de la Résurrection). Pour cela, j’ai essayé de mettre en évidence l’opposition paroxystique entre les ténèbres abyssales et obliques (en bas du vitrail à gauche) de la mort et de l’ensevelissement de Jésus, de son cri tragique "Mon Dieu, mon Dieu,pourquoi m’avez-vous abandonné ?" et l’architecture de lumière métaphysique et verticale de la Résurrection au fur et à mesure où le regard s’achemine vers le haut du vitrail.
Je précise que dans cette partie basse du vitrail, le visage du Christ apparaît, au travers de l’obscurité de la pierre ronde qui clôt le tombeau, comme le buisson ardent qui ne s’éteindra jamais. Plus à droite, toujours vers le bas, une évocation de la main de Jésus désigne le visage de l’homme nouveau dont on ne voit sur fond rouge que les deux yeux et l’amorce du nez. Cette main, 40 ans après, rejoint la main flamboyante du Christ dans la Cène que j’ai peinte pour l’Eglise d’Assy, à la demande du Chanoine Devémy.
Je n’ai pas voulu du bleu terrestre si merveilleusement évoqué par Matisse à la Chapelle du Rosaire à Vence, mais mystérieusement de toute la gamme des lumières dorées, comme dans les icônes de mes origines slaves. Je dirai donc pour ce vitrail : luminescence plutôt que lumière ; la maquette ne peut pas rendre compte de ce que sera cette étincelante luminescence de la rosace en son état final grâce aux verres très intense du Maître- verrier Jacques Gruber.
Autre remarque : à son sommet la luminescence d’or descend vers la terre, signifiée par ce rond où entrent en osmose le rouge et le vert et où naissent les raisins de la treille (Notre-Dame de la Treille). Le jus de raisin se transforme en vin, le vin se transforme dans le sang du Christ (Cène du Jeudi Saint) et ce vin retombe en pluie (petits traits verticaux noirs) sur le front de l’homme nouveau (en bas à droite du vitrail) comme dans un baptême.
La tradition du Chemin de Croix s’est maintenue depuis le XVème siècle jusqu’à 1992 sous forme de 14 stations dont le Pape Jean-Paul II au Colisée et Monseigneur Lustiger à Montmartre rendent témoignage en portant eux-mêmes la Croix le Vendredi Saint. Il me semble que les images de ce Chemin de Croix sont encore très fortes dans l’imaginaire du peuple catholique, il est donc possible d’y faire référence, en considérant que la rosace située dans la partie supérieure de la façade translucide et opalescente de Monsieur Peter Rice, vitrail dans un vitrail, pourrait être interprétée comme une métaphore de la 6ème station du Chemin de Croix, où une Sainte Femme, Véronique, essuie le visage du Christ avec son voile qui conserva les traits de Jésus. Cette rosace (ou rose), selon ce que l’on choisit comme terme architectural, dont je présente la maquette définitive ici à droite, fera 6 mètres 50 de diamètre pour ce qui concerne la partie thématique colorée ; elle sera bordée de ce qu’on appelle un galon, vitraillé blanc, symbole de l’ange au vêtement blanc comme la neige (sicut nix, cf. Evangile en latin) que les deux femmes Marie de Magdala et l’autre Marie rencontrèrent au sépulcre de Jésus, après le sabbat, à l’aube du premier jour de la semaine (cf. Matthieu XXVIII 1, 2, 3 etc …). Ce galon sera de 10 à 15 centimètres de largeur ; nous ne pourrons apprécier cette dimension que lorsque la photographie, actuellement en cours de développement, sera étalée dans l’atelier du réalisateur chez lequel vous serez convié, pour vous rendre compte de ce que pourra être la rosace dans sa totale extension.
Il n’est pas impossible que j’imagine, pendant la création de la rosace, avec le Maître-verrier et le Maître-métallier, d’intégrer quelques paroles de l’un ou l’autre Évangile concernant la Résurrection. Ces mots pourront être écrits en français, latin ou grec, suivant les nécessités du graphisme (mais ce n’est qu’un petit détail qui ne change rien à l’essentiel de mon projet). Ou alors mettrons-nous en une partie de l’église un texte de référence, à étudier avec Monseigneur Vilnet. (Paris, le 22.03.1992) (In fiche signalétique de l’église)
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